Alerte sur les dangers des
radiofréquences pour les enfants
LE MONDE | 08.07.2016 à 00h00 •
Mis à jour le 09.07.2016 à 11h49 | Par Pierre Le Hir
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Technologies sans fil,
prudence ! C’est l’avertissement que lance, à l’adresse des parents comme
des pouvoirs publics, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement
et du travail (Anses) dans un rapport
d’expertise sur l’exposition aux radiofréquences et la santé des enfants,
publié vendredi 8 juillet. Elle pointe en particulier « des effets
possibles sur les fonctions cognitives et le bien-être », qui la conduisent à préconiser
« un usage modéré et encadré » de ces technologies.
En 2013, l’Anses avait déjà
rendu un avis général
dans lequel elle recommandait de réduire
l’exposition des enfants aux radiofréquences émises par les téléphones mobiles.
Elle va cette fois plus loin, en s’attachant aux effets potentiels des champs
électromagnétiques émanant des multiples sources auxquelles sont soumis les
plus jeunes : téléphones mobiles et tablettes tactiles pour enfants, mais
aussi jouets radiocommandés (voitures,
locomotives, peluches…), robots communicants, talkies-walkies, veille-bébés
(babyphones) et autres dispositifs de surveillance (tels que les bracelets
émettant un signal lorsque le bambin s’éloigne d’un périmètre donné).
Difficile de mesurer
à quel point cette batterie d’objets est présente dans les chambres des enfants
français. Il n’existe pas de chiffres sur le taux d’équipement des ménages en
babyphones ou en jouets radiocommandés. Le pourcentage de fillettes et de
garçonnets possédant un téléphone portable n’est pas non plus connu. On sait
seulement que chez leurs aînés, de 12 à 17 ans, la part d’individus possédant
un smartphone a bondi de 22 % en 2011 à 55 % en 2013.
Usage de plus en plus précoce
Pour autant, souligne le rapport,
« les données disponibles montrent une très forte expansion de l’usage
des nouvelles technologies
sans fil, notamment chez les très jeunes enfants. » Ceux-ci possèdent
leur propre téléphone mobile « de plus en plus précocement, même si la
première utilisation se situe rarement avant l’âge de sept ans. » En
outre, « la multiplicité et la diversité des lieux fréquentés
(domicile, école, lieux
publics, installations sportives et culturelles) engendrent des situations
d’expositions très variables. » Si bien que très tôt, et même « dès
la phase de développement
in utero », la plupart sont exposés à des sources « placées
à proximité et parfois au contact du corps ».
Or, plus la source émettrice est
proche – c’est le cas du portable collé à l’oreille ou du babyphone posé dans
le berceau – et plus la quantité de rayonnement, c’est-à-dire d’énergie
absorbée par la tête ou par les tissus du corps humain, est importante. Sans parler
des éventuels effets autres que thermiques, et encore très mal connus, des
champs électromagnétiques.
Fonctions cognitives et bien-être
Le comité d’experts s’est
focalisé sur les enfants de moins de six ans, au sujet desquels on trouve peu
d’études dans la littérature scientifique internationale. Il a donc pris en
compte les données disponibles sur l’exposition aux radiofréquences pendant
toutes les phases du développement de l’individu, depuis la période in utero
jusqu’à la fin de l’adolescence. Il a aussi considéré les travaux menés sur des
animaux. Et il a passé au crible les différents effets sanitaires possibles, en
évaluant, pour chacun, le « niveau de preuve ».
Il en ressort que « les
données actuelles ne permettent pas de conclure
à l’existence ou non d’un effet des radiofréquences chez l’enfant », pour
ce qui est du comportement, des fonctions auditives, du développement, du
système reproducteur, du système immunitaire et de la toxicité systémique
(effet biologique non localisé). Il en va de même pour les effets cancérogènes
et tératogènes (entraînant des malformations).
Cela ne signifie pas que de tels
effets sont écartés, mais seulement que le niveau de preuve est insuffisant
pour trancher.
En 2011, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les
radiofréquences comme « peut-être
cancérogènes pour l’homme ». Et l’Anses rappelle
qu’en 2013, elle avait établi un « effet possible » des
radiofréquences sur l’apparition de gliomes (tumeurs du cerveau) pour les utilisateurs intensifs
de téléphone mobile. Les études publiées ne permettent cependant pas d’être
affirmatif dans le cas spécifique des enfants.
En revanche, les experts concluent à « un
effet possible des radiofréquences sur les fonctions cognitives de
l’enfant », telles que la mémoire, l’attention, les capacités
psychomotrices ou le langage. Sur ce point, précisent-ils, « les
résultats montrant des effets aigus [à court terme] se basent sur des
études expérimentales dont la méthodologie est bien maîtrisée. »
Ils posent le même diagnostic d’« effet
possible » sur le « bien-être » des enfants, un état
défini par l’absence de troubles du sommeil ou de symptômes tels que fatigue,
stress, anxiété, irritabilité, difficultés de concentration ou maux de tête.
Toutefois, ils notent que « ces effets pourraient être
liés à l’usage des téléphones mobiles plutôt qu’aux radiofréquences qu’ils
émettent ». Autrement dit, cernes, migraines et problèmes de
concentration résultent peut-être tout simplement du temps volé au sommeil par
l’usage des portables.
Revoir la réglementation
Même si, pour la plupart des
troubles ou pathologies
envisagés, les résultats ne sont pas conclusifs, le comité d’experts appelle à redoubler
de vigilance. « Les enfants ne sont pas des adultes miniatures,
souligne Olivier Merckel, chargé des nouvelles technologies à l’Anses et
coordinateur du rapport. Du fait de leur plus petite taille, de leurs
spécificités anatomiques et morphologiques et des caractéristiques de certains
de leurs tissus, ils sont davantage exposés. En particulier, les zones
périphériques de leur cerveau sont plus exposées que celles des adultes aux
radiofréquences. » Des études dosimétriques ont aussi mis en évidence
une plus forte exposition de la moelle osseuse chez les enfants.
L’Anses préconise donc que tous
les équipements radioélectriques, en particulier ceux destinés à la jeunesse,
soient soumis « aux mêmes obligations réglementaires en matière de
contrôle des niveaux d’exposition et d’information du public que celles
encadrant les téléphones mobiles », ce qui n’est actuellement pas le
cas. Elle prône également de « réévaluer la pertinence » de
l’indicateur qui sert aujourd’hui à mesurer l’exposition des usagers – le débit
d’absorption spécifique (DAS) – et de développer
« un indicateur représentatif de l’exposition réelle, quelles que
soient les conditions d’utilisation ».
De surcroît, s’agissant cette
fois des radiofréquences générées par des sources lointaines (antennes-relais, émetteurs
de radio et de télévision), elle recommande de « reconsidérer les
valeurs limites d’exposition réglementaires », afin d’assurer « des
marges de sécurité suffisamment grandes » pour protéger
la santé des enfants. Des pays comme le Canada
ou les Pays-Bas ont déjà baissé
ces limites, mais les parlementaires français n’ont pas suivi cet exemple dans
la loi sur les
ondes de janvier 2015.
Si de telles mesures relèvent de
la législation française ou européenne, l’Anses prodigue des conseils aux
parents :
« Inciter leurs enfants à un
usage raisonné du téléphone mobile, en évitant les communications nocturnes et
en limitant la fréquence et la durée des appels. »
« Pour une fois, les choses
bougent dans le bon sens, se félicite Janine Le
Calvez, présidente de l’association Pour une
réglementation des antennes-relais de téléphonie mobile (Priartem).
Le rapport pointe des questions sanitaires que nous soulevons depuis longtemps.
Nous avons enfin le sentiment d’être écoutés. Reste à mettre
en œuvre les recommandations, à commencer
par la suppression des appareils sans fil dans les écoles primaires. »
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/sante/article/2016/07/08/alerte-sur-les-dangers-des-radiofrequences-pour-les-enfants_4965884_1651302.html#WJhUqjAFRHHPM4cX.99
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