La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur le déploiement des compteurs Linky. Et, surprise, les résultats sont très mitigés en ce qui concerne les bénéfices pour les consommateurs…
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Les prix de l'électricité continuent de grimper à une vitesse hallucinante, avec plus de 25 % d'augmentation en un an, depuis la fin programmée du bouclier tarifaire et les nouvelles hausses de tarifs en 2024. Forcément, le compteur Linky – le compteur électrique intelligent d'Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité en France, qui transmet et reçoit les données à distance – concentre toutes les attentions. Déployé à partir de 2015 et devenu (obligatoire)*, il équipe désormais 95 % des foyers français, malgré les fortes résistances et les nombreuses critiques et théories du complot que son déploiement forcé a entraîné – il a été soupçonné, entre autres, de produire des ondes électromagnétiques nocives pour la santé ou de collecter des données personnelles utilisées par l’État.
Mais le compteur Linky n'est pas exempt de défauts pour autant ! Un rapport alarmant du Médiateur national de l'énergie accusait en effet Enedis, en mai dernier, de surfacturer des foyers équipés d'un compteur intelligent Linky, par le biais de plusieurs pratiques "particulièrement critiquables" (voir notre article). Cette fois, le dispositif a fait l'objet d'un rapport détaillé de la Cour des comptes. Et les conclusions ne sont pas si positives que ça pour les consommateurs, au contraire...
Compteur Linky : des gains considérables pour Enedis
La Cour des comptes commence par une bonne nouvelle : les coûts d'installation des compteurs Linky ont finalement été inférieurs à ceux prévus. En effet, s'il avait initialement été estimé à plus de 5 milliards d'euros, le projet n'a finalement coûté que 4,6 milliards euros, soit une économie de 18 %. Cette réduction des dépenses est certainement une bonne nouvelle pour le secteur énergétique comme pour les particuliers, qui financent le déploiement du dispositif.
Celui-ci avait trois objectifs : permettre une meilleure maîtrise de la demande énergétique, faciliter l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, et améliorer le fonctionnement du réseau tout en baissant les coûts. Sur ce dernier point, le pari est relevé ! Enedis en a d'ailleurs rapidement ressenti les bénéfices puisqu'il a pu réduire ses coûts énergétiques, grâce à sa gestion et à sa généralisation. Le fournisseur réalise en effet des économies importantes, grâce notamment à la relève à distance, qui évite le déplacement d'un agent. Le rapport pointe une rémunération additionnelle de 311 millions d'euros pour la période 2016-2023, ainsi qu'un bonus de 407 millions d'euros entre 2016 et 2022 au titre de la régulation incitative.
Du côté de la fraude en revanche, le déploiement de Linky n'a pas permis de réduire cette pratique ainsi que ses pertes économiques, comme cela était espéré. Celle-ci a même augmenté à partir de mi-2023 dans plusieurs pays d'Europe, probablement en lien avec la hausse significative des prix de l'énergie. Mais, même s'il n'empêche pas la fraude, le dispositif en facilite quand même la détection. Grâce au système communicant, 150 000 compteurs ayant fait l'objet d'une intervention frauduleuse ont été identifiés de façon quasi certaine. La conclusion est donc dans l'ensemble plutôt positive pour le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité. Mais alors, qu'en est-il du côté des consommateurs ?
Compteur Linky : un projet qui coûte cher aux consommateurs
Dans son rapport, la Cour des comptes souligne que les bénéfices attendus pour les usagers ne sont pas à la hauteur des promesses initiales, que ce soit en termes d'efficacité énergétique ou d'amélioration des offres commerciales. En effet, au lancement du programme, les consommateurs s'étaient vus promettre que les bénéfices constatés sur l'activité d'Enedis leur seraient restitués, sous la forme d'un meilleur service, de simplifications des raccordements et d'une baisse des factures. Alors, certes, ils ont pu en tirer certains avantages, comme la diminution des coûts de petites interventions devenues téléopérables, mais c'est à peu près tout.
Les compteurs intelligents étaient ainsi censés améliorer l'information des particuliers sur leurs consommations et les tarifs appliqués, afin de les inciter à faire des économies d'énergie ou, du moins, à décaler au maximum leurs consommations électriques sur les plages horaires où l'électricité leur est la moins chère et qui correspondent aux moments où la situation sur le réseau est la moins tendue. Or, les résultats concernant cette meilleure maîtrise de la demande sont inférieurs aux attentes.
De plus, la Cour des comptes n'est pas non plus satisfaite des innovations commerciales censées naître avec le déploiement de Linky. Si les compteurs permettent une meilleure compréhension de la consommation, grâce à des factures détaillées, ils ne permettent visiblement pas de stimuler la concurrence sur le marché énergétique.
Cela devait pourtant permettre l'apparition de plages tarifaires plus sophistiquées que les modulations standards de type heures pleines / heures creuses (HP/HC). Mais "très peu de fournisseurs utilisent les fonctionnalités innovantes de Linky comme les dix index disponibles pour les fournisseurs ou la fonctionnalité de pointe mobile qui permet d'envoyer des signaux tarifaires beaucoup plus fins que les classiques HP/HC et potentiellement beaucoup plus proches du temps réel", regrette la Cour.
La Cour des comptes rappelle tout de même que d'autres facteurs ont pu concourir à ces résultats décevants, à commencer par la crise de l'énergie qui a poussé les consommateurs à privilégier les offres de fourniture d'électricité à prix fixe, plus rassurantes dans ce contexte d'instabilité. Mais cette conclusion est d'autant plus problématique que le prix de la facture de l'installation des compteurs Linky s'est répercuté sur la facture des usagers. En effet, cette charge se traduit par une augmentation très importante du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), qui représente environ un tiers de la facture d'électricité des ménages. Une hausse de 10 % devrait d'ailleurs intervenir dès le mois de février. Résultat : les Français se retrouvent ainsi à financer un projet dont ils ne voient pas encore les bénéfices concrets, et contre lequel ils étaient pour une majorité opposés. Le rapport alerte donc sur l'équité du partage des ressources obtenues, car les gains sont significatifs pour Enedis, mais pas pour les consommateurs.
Compteur Linky : un impact environnemental en demi-teinte
L'un des arguments avancés en faveur du projet Linky était son impact environnemental, puisqu'il devait permettre aux usagers de réduire leur consommation d'électricité. Toutefois, le remplacement massif des anciens compteurs a généré une quantité importante de déchets électroniques, et certains contenant des composants toxiques nécessitent un traitement spécial. De plus, la fabrication des nouveaux compteurs a nécessité l'utilisation d'importantes ressources, notamment des métaux rares et des composants électroniques, dont l'extraction est particulièrement polluante.
Aussi, pour la Cour des comptes, le bilan écologique global du projet reste à démontrer, particulièrement au regard de la durée de vie limitée des compteurs Linky, qui est estimée à 15-20 ans, contre 60 ans pour les anciens compteurs électromécaniques. Cela signifie donc plus de déchets électroniques et plus de pollution au moment de la production de leurs remplaçants...
source :
* Je me suis permis de mettre un bémol sur le mot "obligatoire" concernant le Linky car les tribunaux ont bel et bien confirmé que le Linky n'était aucunement obligatoire, par exemple pour les personnes électrohypensensibles ou ayant certains problèmes médicaux. Il n'existe toujours absolument aucune législation rendant le Linky obligatoire. Seules les pratiques commerciales douteuses d'Enedis, tacitement autorisées par le Médiateur de l'Energie et l'Etat, en raison de son monopole, rendent le recours aux autres types de compteurs aléatoire même si tout à fait légal et favorable aux consommateurs.
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