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dimanche 18 août 2019

TRANSPARENCE ET BIG DATA

« TRANSPARENCE » 
roman, de Marc DUGAIN, Gallimard 2019, 222 pages. 





Marc Dugain avait déjà écrit sur le sujet : collecte des données personnelles privées et Big Data (dont rêve EDF/ENEDIS) dans son livre écrit avec Christophe Labbé « L’homme nu » paru chez Robert Laffont en 2016. Ils abordaient la dictature numérique de Google, Apple, Microsoft, Facebook, Amazon et les services de renseignements tel la NSA et autres géants du numérique. Edward Snowden, lanceur d’alerte visant la NSA nous a déjà averti du captage frauduleux de nos données personnelles à des fins de surveillance. Dave Eggers, dans son roman « The Circle », abordait en 2013 un monde contrôlé par un géant de la Silicon Valley(peut-être Google) grâce à son système d’exploitation universel des données prônant la civilité et la transparence, tout comme son corrolaire français Bernard Minier dans son thriller de 2019 "M : Le bord de l'abîme". Et Marc Elsberg, en 2016, dans son roman « Zero » abordait les dérives possibles de la collecte et de l’analyse des données collectées par des systèmes de surveillance globale de la population. On se souvient bien sûr de la toute première mise en garde datant de 1949 imaginée par George Orwell avec son roman « 1984 » dans un monde sous surveillance permanente par un Grand Frère totalitaire.

Dans son nouveau roman Marc Dugain présente le scénario d’une discrète société numérique implantée en Islande qui gère et exploite des milliards de données privées sur chaque humain dans le but de faciliter les rencontres entre âmes soeurs par le biais de leur application dénommée TRANSPARENCE. Le lancement de leur nouvelle application ENDLESS suite à leur acquisition du géant Google, leur permet d’offrir la vie éternelle aux candidats qui seront sélectionnés par un algorithme priorisant les comportements de civilité et de respect de l’environnement. La collecte de milliards de données sur chaque individu permet de mémoriser qui il est et de le reconstituer en partant d’algorithmes ne changeant rien à sa personnalité et sa façon de penser : tout cela transplanté dans une enveloppe corporelle artificielle ne nécessitant ni repos, ni nourriture, ni déjections, mettant fin à toutes les surconsommations actuelles.

Je laisse la parole aux personnages créés par l’auteur en sélectionnant quelques passages particulièrement éclairants :

Sur Google : 
« J ‘ai longtemps travaillé chez Google dans le département en charge de prolonger la vie jusqu’à la rendre infinie. J’en suis partie parce que je n’avais pas la même conception du véhicule dans lequel assurer cette éternité. Google voulait assurer l’éternité à une petite élite, à des robots mus par une intelligence artificielle. » (Page 89)

« La grande différence entre nous vient de ce que vos projets transhumanistes (chez Google) s’appuient sur un homme que vous ne mesurez qu’à l’aune de son intelligence, de ses aptitudes technologiques et de sa capacité à les traduire en nouveaux marchés… Vous ne supportez pas le caractère incertain de l’homme, vous lui préférez l’ordinateur et sa froideur obéissante… Vous voulez une race pure nouvelle, entièrement technologique… Le génie de Google a été d’ouvrir le chemin de la connaissance absolue, sa faiblesse a été au fond de n’être qu’une phénoménale machine commerciale. Votre force inégalable, c’est d’avoir compris que par une apparente douceur, le champ de la domination est infini… Aucune contrainte n’est perceptible, la servitude volontaire est absolue, vous flattez l’impatience, le faux sentiment de la liberté, l’illusion de la force individuelle, mais plus rien de ce qui fait la grandeur de la conscience n’existe, tout est réduit à une rationalité au service de l’objet et de son développement infini. Avec vous l’humanité ne va pas vers l’éternité, elle s’éteint progressivement par la perte de ses qualités essentielles, l’éradication de ses cultures, la globalisation de son conformisme, elle communique en permanence pour ne plus communiquer, elle est constamment aspirée par le large pour sacrifier son proche entourage, elle n’a plus qu’une culture, la vôtre. » (Extraits, pages 107 à 109)

« Leur stratégie (chez Google) dans le domaine de la robotique et de l’intelligence artificielle allait aussi dans le sens de la machine suppléant à terme l’être humain. Tout cela au moment où l’être de chair est confronté à des problèmes de reproduction. D’ici à la fin du siècle cette terre n’aurait plus été peuplée que d’êtres biologiques clonés, artificiellement augmentés, et de robots plus intelligents que nous, rêvant de créer leur propre société en nous éliminant ou en nous réduisant à l’esclavage. » (P. 116)

Sur la démocratie :
« Qu’entendez-vous par démocratie ? Se faire élire à intervalle régulier par des électeurs manipulés par les acteurs du numérique qui choisissent le candidat le plus à même de servir leurs intérêts ? Gouverner ensuite au service de ces mêmes acteurs et de biens d’autres lobbies qui se considèrent chez eux dans les allées du pouvoir ? De quelle démocratie me parlez-vous ? » (P. 174)

Sur la prise de conscience requise :
« On a longtemps vécu sans connaissance ni preuve que notre planète avait déjà connu plusieurs extinctions. Le plus surprenant est de constater que de l’avoir appris n’a rien changé à notre marche vers la ruine. L’homme, pourtant si bavard, ne tire-t-il donc jamais aucune leçon de rien ? » (P. 133)

Sur l’instant présent :
« Nous sommes au crépuscule de la civilisation humaine, à quelques années d’une extinction massive. Mais nous pouvons nous en sortir, à condition de changer. La question n’est plus d’accumuler sans fin, elle est de profiter des capacités hallucinantes de notre cerveau à restaurer la connaissance de soi et la spiritualité. » (P. 177)

Ce livre se situe dans le domaine des publications qui nous portent à réfléchir sur le piratage de nos données personnelles, de notre propre dévalorisation de la vie privée, de notre auto-soumission à un nouveau monde dénué de valeurs humaines au profit de la surconsommation, de la vie pas chère, du sacrifice de la planète et de toutes ses espèces vivantes pour garantir notre petit confort personnel et égoïste justifié par notre irresponsabilité.

Les collectifs anti-Linky deviennent le symbole de cette résistance à tout ce que l’Etat-EDF-Enedis cherchent à nous faire avaler sans notre consentement et au détriment de nos valeurs et de notre santé.

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